Joshua Livingston [100%]

© Nuit de folie

"Drain the pressure from the swelling, the sensation's overwhelming. Give me a long kiss goodnight and everything will be alright. Tell me that I won't feel a thing, so give me Novacaine."

Thèbes, le septième étage d’un immeuble en plein centre. Les fenêtres et les volets sont fermés, les derniers rayons du soleil se glissent dans l’appartement par les interstices présentes dans le bois des contrevents. Un homme se tient immobile, dans cette semi-obscurité, au beau milieu de la pièce principale, les bras ballants, le souffle court, secoué de spasmes, les poings ensanglantés. Sous la colère, ces derniers sont venus s’écraser contre le mur. Seuls les sanglots qu’il essaye vainement de contrôler interrompent le silence pesant qui vient de s’installer. A ses pieds, le sol est jonché de bouteilles d’alcool, de verres brisés, de tissus déchirés. Le désordre règne en maître après cette crise de rage. La tension est palpable.
Subitement, il se met à rire de démence, de désespoir. Mais bien vite, les rires se changent en larmes, son corps tremble, les muscles s’affaissent, ses jambes le lâchent, il pousse un cri de détresse et se laisse glisser sur le sol. Il se traîne jusqu’au mur pour s’y adosser, penche la tête en arrière, lève les yeux au ciel et se mord la lèvre inférieure jusqu’à sentir le goût acre métallique du sang dans sa bouche.
Ses yeux se ferment, il cherche à tâtons quelque chose sur le sol et s’en empare après avoir mis la main dessus. Il porte la seringue à hauteur de ses yeux et sourit faiblement en remarquant qu’elle n’est pas vide. Lentement, il retrousse la manche de sa chemise de son bras gauche, laissant apparaître plusieurs bleus. Il serre le poing et enfonce violemment l’aiguille dans sa peau. Les muscles de son bras toujours contractés, il appuie sur le piston et injecte la substance dans sa veine : il ferme les paupières sous la sensation du liquide qui se répand dans son sang, dans tout son corps. Enfin… Il va se sentir bien. Triste constat à ses yeux que d’avoir recourt à ce genre de méthode pour fuir la réalité et atténuer sa souffrance. Mais à quoi bon lutter, à quoi bon s’accrocher si c’est pour se voiler la face et faire semblant ?

Très vite, la sensation caractéristique d’extase due à l’héroïne se propage dans son organisme. Les paupières fermées, un sourire béat vient fleurir sur ses lèvres, ses muscles se détendent peu à peu, l’euphorie le gagne lentement. La douleur sournoise et lancinante de son cœur ne veut pas le quitter, elle se mêle au bien-être procuré par la drogue et l’homme se laisse mollement glisser sur le plancher jusqu’à y être allongé de tout son long, le bras gauche contre son corps et le droit à la perpendiculaire de son torse, la seringue vide dans sa main. Les yeux clos, l’état de somnolence le gagne rapidement et son esprit vole inéluctablement vers le pays des souvenirs…

"Everything about you is so easy to love"

« Josh’ mais qu’est ce que tu fous avec ce mec là sérieux ? Arrête de t’y attacher, ce type là est un vrai connard, tu vois pas qu’il n’en a strictement rien à foutre de toi ? Il s’intéresse qu’à ton argent, mais quand est-ce que tu vas réaliser ça ? »
« Tu racontes n’importe quoi. Je sais très bien comment il est, je le connais mieux que toi. Je suis assez grand pour savoir ce qui est bon pour moi. »
« Mais il te manipule complètement et tu t’en rends même pas compte ! »
« Kieran, on va pas remettre ce sujet sur le tapis encore une fois. Arrête de voir le mal partout, c’est franchement désagréable ! Gaël et moi c’est du sérieux, il va falloir que tu t’y fasses »
« Mais… »
« Y a pas de mais. C’est pas parce que tu ne l’apprécie pas que tu dois le décrire comme quelqu’un qu’il n’est pas. Ca me déçoit venant de ta part ! »

Kieran le regarda, impuissant. Il ne savait pas comment faire comprendre à Joshua qu’on jouait avec lui. Son ami allait tomber de bien haut, il le savait… Malgré tous ses efforts, Josh continuait à idéaliser ce type comme si c’était la huitième merveille du monde… Mais il avait de la merde dans les yeux ou quoi ?

"And now I try hard to make it, I just want to make you proud. I'm never gonna be good enough for you, I can't stand another fight. And nothing's alright."

«Joshua… Mon fils, revient à la raison! Je ne peux tolérer un tel comportement de ta part ! Voyons mais que t’est-il passé par la tête, es-tu devenu fou ?! Je n’accepterai jamais ce genre de chose ! C’est inconvenant et ce n’est pas dans l’ordre des choses !»
« ON APPELLE CA HOMOSEXUALITE JE TE SIGNALE, ET CA N’A RIEN DE REPRESSIBLE ! ET PUIS ARRETE DE CHANGER DE SUJET BORDEL, J’AI UN FRERE ET TU NE M’EN A JAMAIS PARLE ?»
« Arrête de me parler sur ce ton, Joshua Walter Maxwell ! »
« JE TE CAUSE COMME J’EN AI ENVIE, ET ARRETE DE ME PARLER COMME SI J’ETAIS ENCORE UN ENFANT. COMMENT S’APPELE-T-IL ? POURQUOI NE M’AS-TU JAMAIS MONTRE CES LETTRES ? POURQUOI NE M’AS-TU JAMAIS DIS QUE MA VERITABLE MERE ETAIT PARTIE AVEC LUI ? COMMENT AS-TU OSE NOUS SEPARER ? »
« Elle voulait vous garder tous les deux, mais je me suis arrangé pour te récupérer. Elle s’est mariée avec ce … saltimbanque de pacotille, elle me trompait ! »
« COMME SI TU NE FAISAIS PAS LA MEME CHOSE ! C’EST SIMPLE TU N’ES CAPABLE D’AUCUN SENTIMENT HUMAIN, T’EN A RIEN A FOUTRE DES AUTRES TOUT CE QUI COMPTE C’EST TON PROPRE INTERET ! »
« Tu mens, Joshua. J’ai toujours agi dans ton intérêt depuis que tu es là. J’ai toujours fait ce qui était bon pour toi. »
« MAIS CE N’EST QU’UNE HISTOIRE DE REPUTATION, jamais tu ne t’es préoccupé de ce que je voulais, moi. Jamais tu ne m’a donné de l’affection, jamais tu m’as dit que tu étais fier de moi ! Tout ce qui t ‘importait, c’est que je sois le meilleur partout, que je rentre dans les rangs, que je reprenne ta société bourrée de magouilles ! MAIS JE NE DEVIENDRAIS JAMAIS COMME TOI T’ENTENDS ? JAMAIS ! »
« Tu as toujours voulu ce que tu voulais, cesse donc de mentir ! »
« De l’argent. Uniquement de l’argent, »
« Aurais-tu préféré vivre en ayant des difficultés financières ? Aurais-tu préféré vivre avec ton frère et ta mère, qui n’aurait jamais pu sustenter à tous vos besoins ? »
« Mais il y a beaucoup de choses qui ne s’achètent pas. Seulement ça je ne pourrai jamais te l’expliquer. Tu es bien trop arriéré. J’aurai préféré vivre dans une famille où le mot « amour » existe. J’aurai préféré vivre dans une vraie famille, pas dans cette famille où la « relation père-fils » n’a été et ne sera qu’un mirage. »
« Tu vas trop loin, Joshua. Même depuis que tu es parti en Grèce, je suis encore là, et pourtant je désapprouve fortement ce choix. »
« Un compte en banque, rien de plus. Et tout ça pour que je me sente redevable et que je revienne vers toi et tes résolutions. Mais ça ne marchera pas. J’ai une vie là-bas. Une vraie vie.»
« Une vraie vie ? Une vie où tu t’affiches avec un autre homme, voyons Joshua, laisse-moi rire ! C’est inadmissible, prend conscience de ton erreur et reviens ici à Londres. Jamais je ne tolèrerai une telle chose si elle se poursuit ! »
« J’aime Gaël. Que tu sois d’accord ou pas, j’en ai strictement rien à foutre. »
« JOSHUA ! TE RENDS-TU COMPTE DE L’ABERRATION QUE TU VIENS DE PRONONCER ? »
« SI TU NE PEUX PAS COMPRENDRE CA, JE NE PEUX PLUS RIEN FAIRE POUR TOI PHINEAS JACKSON MAXWELL ! »
« TRES BIEN. DISPARAIS, EN CE CAS. NE REVIENS PAS VERS MOI. TANT QUE TU NE SERAS PAS REVENU A LA RAISON, J’OUBLIERAI QUE J’AI UN FILS. »
« J’ai déjà oublié que j’avais un père. »

Des mots crachés, hurlés. Des Découvertes. Des Déceptions. Une porte qui claque. La fin d’une relation houleuse et ingérable.

"What if I lead the way ? What if I make mistakes? Will you be there? What if I change the world? What if I take the blame? Will you be there? "

Kieran avait raison, Joshua le savait dorénavant. Il avait déjà fait un vœu pour que Gaël soit connu dans le monde de la musique, ce qui était le vœu qui changeait sa propre vie, puisque Gaël était la personne la plus importante de son existence. Mais son père l’avait renié, il était passé du statut d’aristocrate britannique à celui de pauvre paumé dans le milieu grec. Bizarrement quand Gaël l’avait appris, il était devenu de plus en plus distant, jusqu’à lui dire qu’il voulait que leur relation se termine, avançant un bon nombre de raisons qui ne demeuraient que des prétextes. Alors Joshua avait promis qu’il allait faire des efforts de conduite. Joshua avait promis que tout allait redevenir comme avant. Joshua s’était endetté pour faire croire à Gaël qu’il s’était réconcilié avec son père. Et Gaël était revenu vers lui. Et maintenant il ne faisait que fermer les yeux, se voiler la face et entretenir son amour perdu à sens unique.

"Du poison à faible dose, peu à peu mais tous les jours : Tu décides, moi je dispose, comme un esclave en amour. C'est de toi que je m'injecte, jamais assez, toujours trop peu; comme enrôlé dans une secte dont tu serais l'unique Dieu."

« Reste. S’il te plait, reste. »
« Joshua. Tu pensais vraiment que j’allais rester avec toi indéfiniment ? T’es trop mignon. »

Ses yeux se remplissent de larmes.

« Je ferais tout ce que tu voudras, mais je t’en pris, reste. »
« Tu vas pas pleurer quand même ? Faut grandir un peu Joshua, l’amour ça ne dure jamais ! »
« Est-ce que tu m’as seulement aimé une fois ? »
« Ces questions ne servent à rien, tu le sais bien ! »
« Mais qu’est ce qu’il a de plus que moi ?! Je… Je te donne tout ce que tu veux, je fais tout ce que tu veux ! »
« C’est comme ça, Joshua. »
« Il a plus d’argent, c’est ça ? Mais… Si tu veux je ferai des emprunts, on pourrait vivre heureux tous les deux autre part, tu ne crois pas?»
« Joshua, Joshua. Je ne vais pas rester, tu comprends ? Je vais partir. Arrête d’être aussi buté ! T’as une belle gueule et t’es bien gentil mais ça suffit pas !»
« Mais… »
« Et puis sèches tes larmes on dirait un vrai gamin ! »

Joshua reste silencieux un instant, et essuie d’un revers de main les larmes qui commencent à dévaler ses joues. Gaël prend son chapeau, son pardessus et ouvre la porte d’entrée. Joshua réagit et se précipite sur lui en l’attrapant férocement par le poignet.

« RESTE, RESTE ! T’AS PAS LE DROIT DE PARTIR, RESTE ! S’IL TE PLAIT ! Je t’en supplie, je peux être aussi bien que lui, je - »

Sa voix se brise, ses mains refusent de le lâcher. Gaël fronce les sourcils, et plonge son regard dans le sien.

« Je ne t’ai jamais aimé Joshua. Jamais. Et si tu crois que je n’ai pas vu ton petit manège, je sais très bien que tu t’es surendetté et que tu ne t’es jamais réconcilié avec ton père ! Je n’aime pas les mensonges, Joshua. Petrocle ne ment pas, lui. Et il est riche. Très riche. »

Il se défait de l’emprise qu’exerce Joshua sur ses poignets, et ajoute, sur le ton de la confidence, un sourire abject que le britannique ne lui connait pas sur les lèvres :

« Ah, et aussi : Il est bien meilleur au lit que toi. »

La porte se referme sur cette révélation, Joshua se laisse glisser jusqu’à terre sans un mot, secoué de spasmes, son amour pendu.

"The nights i've been looking for a way back home. The things i am going through the fear just to talk to you. The friends i don't understand, and you like a nail in my hand. You dont know the lies that i took for truth, the days running after you. My heart that is beating fast. If only the moment could last. The night that i spent with you you don't remember do you. The pain that'll never end 'cause you're like a nail in my hand. You don't know for you i’ll make it all blue."

Retour au présent.

Kieran le secoue violemment, fébrile, le cœur battant et l’angoisse l’envahissant progressivement.

« Josh. Josh. JOSH PUTAIN REVEILLE TOI ! JOSHUA ! »

Il soulève les paupières de son ami pour découvrir des yeux vitreux semblant s’être expatriés dans des contrées plus clémentes.

Ayant vérifié qu’il respire toujours, Kieran pousse un immense soupir de soulagement, Joshua baragouine quelque chose d’incompréhensible, ouvre les yeux un instant et les referme aussi vite, repartant dans son délire, un sourire béat sur les lèvres. Les dents serrées, Kieran lui administre une gifle monumentale et lui verse un seau d’eau sur la tête, bien qu’il sache que Joshua ne retrouvera son état normal qu’après un certain temps. Attendre. Toujours attendre. Soupirant, il le soulève et le pose sur son lit, avant de ramasser la seringue à terre, et de ranger le désordre qui règne dans la pièce. Sa main serre si fort un verre -par chance encore intact- qu’il se brise, comme tous les autres. Penser que c’est à cause de ce Gaël que son ami est dans cet état là de désespoir et de dépendance accrue à la l’héroïne, que c’est ce même connard qui l’a entraîné dans les sombres recoins de la drogue le met hors de lui.
S’asseyant sur le rebord du lit après avoir tout rangé, il se met à attendre. Attendre, c’est tout ce qu’il peut faire.

Spoiler: